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Concevoir un système de production qui use moins les salariés

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    Confrontée à de nombreuses contraintes et restrictions physiques - temporaires ou définitives - cette entreprise industrielle lance en 2004 un projet pour favoriser la concordance entre enjeux économiques, souhaits de mobilité et possibilités d'évolution du personnel de production.

    Cette usine ligérienne fabrique des équipements pour l'habitat. Bon nombre de ses 600 salariés y travaillent depuis les années 70 et 80.

     

    Demande de l'entreprise

    Depuis une dizaine d'années, les TMS sont un problème et le vieillissement des salariés vient accroître les difficultés. En fabrication, la moyenne d'âge est de 44 ans, et près de 60 personnes (soit 10% du total des effectifs du site) souffrent de restrictions médicales temporaires ou définitives. Dans ces conditions, faire face à l'avenir, c'est faire évoluer l'organisation du travail pour satisfaire les exigences des clients tout en jugulant la réduction des capacités fonctionnelles des salariés. En accord avec le médecin du travail, une attention particulière est donc accordée au travail de montage.

     

    Démarche

    Une première évolution radicale a eu lieu en 2003 avec la suppression du travail parcellisé et séquencé dans ses propres usines. Le concept du "One Piece Flow" permet de réduire les effets des gestes répétitifs : chaque opérateur monte désormais le produit de façon quasi complète. Il le déplace sur un chariot pour suivre les différents stades de fabrication et les zones d'approvisionnement successives. Au préalable, l'opérateur suit une formation de 3 semaines sur une ligne-école parallèle à la ligne de production.

    De plus, l'utilisation d'une aide au choix des pièces vise à limiter au maximum les erreurs de montage et permet d'éviter les assemblages défectueux. On s'est par ailleurs accordé sur un temps de cycle de l'ordre de 20 minutes qui, compte tenu des caractéristiques du produit, est considéré comme le meilleur compromis entre intérêt du travail, variété des gestes et capacité de mémorisation par le plus grand nombre. On constate bientôt qu'au-delà de la réduction des risques liés aux gestes répétitifs, les objectifs de production sont mieux garantis que sur les lignes de montages traditionnelles.

    Compte tenu de la saisonnalité de l'activité, un tel temps de cycle peut poser des problèmes d'expériences ou de compétences pour des personnes venues en renfort ou en remplacement. Le chariot peut alors être utilisé différemment. Dans ce cas, les opérateurs ne se se déplacent plus et se passent les chariots (configuration d'assemblage type). Très rapidement, l'opérateur couvre deux, puis trois zones d'assemblage. Cette souplesse permet à l'entreprise d'être en capacité d'augmenter le nombre d'opérateurs pour accroître la production en période de pointe.

    En 2004, l'entreprise se lance dans un projet qui vise la convergence entre les besoins de l'entreprise et les attentes ou les possibilités d'évolution du personnel de production. Il s'agit de répondre aux souhaits de mobilité ainsi qu'aux exigences organisationnelles, tout en apportant des réponses aux restrictions médicales. En effet, on a constaté que le "One Piece Flow", malgré ses nombreux avantages, ne peut, à lui seul supprimer tous risques dorsaux, osseux ou articulaires.

    Par ailleurs, on observe depuis des années que les variations saisonnières d'activité conduisent, en période basse, à la disparition momentanée de nombreux postes doux réservés aux opérateurs ayant des problèmes de santé.

    Deux plans d'actions complémentaires sont engagés. Le premier concerne la mobilité interne avec la création et la mise à disposition d'outils : bourse à l'emploi, entretien de performance et de développement personnel, mise à jour des référentiels d'emploi et de compétences.

    Le second axe de travail repose sur l'ergonomie avec un double objectif : l'amélioration de l'existant mais aussi l'amélioration dans la durée. Trois niveaux d'action sont ainsi retenus : réduire la pénibilité de tous les postes, augmenter le nombre des postes doux et surtout intégrer les contraintes et les nécessités du travail de montage dès la conception des produits.

    Dans un premier temps, une cartographie des postes est réalisée en fonction de leur niveau de difficulté et de pénibilité. Elle est construite à partir d'une grille d'évaluation élaborée en interne de façon pluridisciplinaire. De même, une analyse fine de l'état de santé des salariés permet de réfléchir aux affectations. Enfin, on s'attaque aux postes cotés acceptables pour les faire évoluer vers des postes jugés doux. 74 postes doux sont ainsi recensés à la fin 2004, soit 16 de plus en un an. Sur le long terme, la formation à l'ergonomie de l'ensemble des managers de production et des ingénieurs et des techniciens de recherche et développement débouche sur de nouvelles réponses en matière de conception.

     

    Bilan

    Désormais, un cahier des charges portant sur les conditions du travail de montage est approprié par tous. Ses premières manifestations ont pu s'observer avec la conception des chariots de transfert utilisés sur les lignes "One Piece Flow", ainsi qu'à l'occasion de la conception des 16 nouveaux postes "doux".

    La démarche a permis d'assurer davantage de flexibilité en conciliant les besoins des opérateurs et de la production. Le programme d'amélioration de la mobilité et de la polyvalence a facilité la fidélisation des plus jeunes et la motivation des plus âgés.

    De ce point de vue, une évolution radicale s'est opérée : alors que les salariés attendaient auparavant la consigne de leur chef, ils peuvent désormais librement postuler à un poste de la bourse des emplois.

    Par ailleurs 80% de la production est aujourd'hui réalisée en One piece flow sans perte de productivité et avec une fiabilité améliorée.

    Enfin, l'entreprise dispose actuellement d'un nombre de postes doux suffisants pour faire face aux restrictions d'aptitude.

    Au final, la première nécessité du projet qui était de ne pas augmenter le prix de revient des produits a été respectée. On considère par ailleurs que l'intégration de l'ergonomie dans la conduite des projets permettra une diminution des coûts à moyen et long terme par le maintien du capital santé et de l'employabilité des salariés.

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